Accès rapides :

Vous êtes ici :

  1. Accueil
  2. Publications et outils
  3. Bases de données
  4. Tableaux des maladies professionnelles
  5. Fiche Tableau des maladies professionnelles (rubrique sélectionnée)

Tableaux des maladies professionnelles

Régime général tableau 84

Affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel

Revenir à la recherche
Tableau et commentaires

Description clinique de la maladie indemnisable (septembre 2011)

I. Syndrome ébrieux ou narcotique

Définition de la maladie

Il faut entendre cette définition de maladie comme l’évolution continue d’un état pathologique «bénin» vers un état de plus en plus grave.

L’intoxication liée aux solvants simule l’ivresse alcoolique, ce qui justifie l’appellation de syndrome ébrieux. Les symptômes en sont, sans que cette énumération soit nécessairement exhaustive, la gaieté, l’agitation, la loquacité, des troubles de l’équilibre puis éventuellement une incoordination motrice de plus en plus marquée, de l’irritation et de la violence et enfin une évolution vers une somnolence de plus en plus marquée.

Le syndrome narcotique marque un sommeil non naturel et non immédiatement réversible sous stimulation.

Le coma est une perte de conscience marquée par une perte totale ou partielle de la sensibilité et de la motricité volontaire.

Différents stades existent, du coma vigil au coma profond.

Le tableau de maladie professionnelle ne fait pas allusion à la profondeur du coma.

Diagnostic

Le diagnostic positif de la maladie est clinique et repose sur la recherche des symptômes décrits ci-dessus. Il n’est pas nécessaire que l’intégralité des symptômes énumérés ci-dessus soient présents pour établir le diagnostic.

Le diagnostic étiologique repose sur la recherche d’une surexposition, donc sur d’éventuels résultats de dosages biométrologiques, la description du travail et des conditions dans lesquelles il est exercé (en particulier présence ou absence de mesures techniques de ventilation et/ou d’aspiration, facteurs d’exposition comme le confinement, la durée, la température, la quantité, les propriétés physico-chimiques du solvant, la notion de pulvérisation). Des résultats négatifs de dosage de toxiques, médicaments, stupéfiants et alcool éthylique peuvent étayer le diagnostic.

Evolution

L’intitulé de la maladie professionnelle résume les possibilités d’évolution. Un syndrome ébrieux unique guérit. En cas de répétitions d’épisodes du même type le risque d’encéphalopathie chronique est possible.

Traitement

Le traitement repose essentiellement sur la soustraction au risque aussi précoce que possible, qu’il s’agisse d’une soustraction au risque d’exposition habituelle, ou d'éviction en urgence hors du local ou du lieu où se produit l’intoxication. Le traitement est ensuite symptomatique.

Facteurs de risque

Il existe une potentialisation des effets neurologiques entre l’exposition aux solvants organiques et la prise de substances psychoactives.

Une même exposition peut donner des manifestations plus ou moins marquées selon les individus.

Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition

Le syndrome ébrieux ne peut survenir qu’en cas de surexposition.

II. Dermite irritative

Définition de la maladie

L’irritation cutanée regroupe toutes les lésions non immunologiques subies par la peau au contact de différents agents physicochimiques. Les lésions sont extrêmement variées.

En dermatologie, on parle d’irritation mais aussi de causticité et/ou corrosion. Ces derniers mots désignent une irritation majeure entraînant souvent des séquelles cicatricielles visibles (brûlures chimiques).

En cas d’irritation, les lésions épidermiques observées au microscope sont variées (nécrose cellulaire, vésicules, eczéma, œdème). Il existe aussi des altérations physiologiques de la peau, en particulier une sécheresse cutanée.

Les solvants sont irritants à la fois par leur action chimique mais aussi par leur fonction «solvant» entraînant une perte du film épidermique hydro-lipidique et donc une sécheresse cutanée.

Diagnostic

Les dermites d’irritation se traduisent par un aspect inflammatoire de la peau avec rougeur (érythème), picotement, sensation de cuisson et développement de plaques (placards érythémato-squameux) sur la surface cutanée au contact avec la substance irritante dans les heures qui ont précédé le début de l’éruption.

Les lésions sont généralement limitées aux zones de contact sans «atteinte à distance».

Si l’effet caustique touche l’ensemble des personnes exposées, ce n’est pas forcément le cas pour l’effet irritant (cf. facteurs de risques).

Les tests épi-cutanés sont négatifs et souvent inutiles.

Aux mains, les dermites d’irritation ont un aspect stéréotypé : atteinte du dos des mains et des doigts, les limites de l’érythème sont nettes. L’érythème, en fonction de la chronicité, devient squameux, hyperkératosique.

Le diagnostic entre dermite d’irritation et eczéma n’est pas toujours simple (voir tableau comparatif) et nécessite une collaboration médecins du travail, dermatologues, en particulier dans les centres de dermatologie professionnelle.

De manière habituelle, une dermite d’irritation aiguë apparaît dans les heures qui suivent le contact ; elle disparaît rapidement après la cessation du contact.

Evolution

Séparées de manière artificielle des dermites d’irritation aiguës, les dermites d’irritation chroniques sont consécutives à l’exposition répétée plusieurs fois par jour à des irritants. Si les signes subjectifs sont le plus souvent une sensation de picotement ou de brûlure, les signes objectifs associent l’érythème à des signes d’atteinte épidermique (sécheresse, hyperkératose, crevasses…).

Traitement

Outre l’éviction ou la réduction des contacts responsables, le traitement de l’irritation est essentiellement local : crème, pommade ou onguents seront utilisés en fonction de la sécheresse de la peau. L’utilisation d’un corticostéroïde faible est habituellement conseillée, en particulier dans la phase aiguë.

Facteurs de risque

Les dermites d’irritation sont habituellement multifactorielles. A côté des facteurs exogènes (microtraumatismes, irritants chroniques, environnement de travail…), il existe des facteurs endogènes qui peuvent expliquer la susceptibilité individuelle, ainsi le «terrain» atopique intervient indiscutablement pour certains salariés.

Enfin, si l’effet irritant est le plus souvent «collectif», il peut être individuel en fonction des facteurs qui modulent l’intensité de la réaction d’irritation (nature de la molécule, concentration, fréquence des contacts, environnement et/ou vêtement occlusif, température ambiante, état d’irritabilité de la peau).

III. Conjonctivite irritative

Définition de la maladie

La conjonctive est une muqueuse oculaire en contact avec l’atmosphère qui protège l’œil contre les agressions extérieures. Elle tapisse la face antérieure du bulbe oculaire et la face interne des paupières et forme deux culs de sac supérieur et inférieur. La conjonctive réagit aux agressions selon un même processus quelle que soit leur origine ; la conjonctivite est l’affection la plus fréquente de la conjonctive. Les étiologies sont diverses, infectieuses bactériennes et virales, parasitaires, allergiques ou irritatives. La voie d’entrée est le plus souvent exogènes, plus rarement endogènes (infection généralisée ou réaction locale allergique à l’introduction d’un antigène dans l’organisme).

Diagnostic

Les signes fonctionnels sont une sensation de gêne, de cuisson, de corps étranger, de sable dans les yeux, une douleur superficielle, une photophobie ou un prurit (évoquant plus particulièrement l’allergie). L’acuité visuelle est normale. Le principal signe physique est l’hyperhémie, avec une rougeur de l’œil (à un stade plus avancé peuvent apparaître des suffusions hémorragiques). Un œdème se manifeste par un gonflement de la conjonctive bulbaire (le chémosis) et plus rarement des paupières. Les sécrétions conjonctivales engluant les cils le matin et gênant l’ouverture des paupières sont un des meilleurs signes de la conjonctivite. Il existe aussi un larmoiement réflexe.

L’examen de l’œil doit être complet (cornée, paupières dont le bord libre, appareil lacrymal, recherche d’adénopathies loco-régionales) et complété par l’examen général du malade, facilitant la recherche étiologique et le diagnostic différentiel.

Evolution

La conjonctivite peut être aiguë, subaiguë, chronique ou récidivante, en fonction de l’étiologie et  de la persistance de la cause.

Les complications possibles sont l’extension à d’autres zones de l’œil avec le risque de kératite, de blépharites, de cicatrices ou de sténoses des canaux lacrymaux, principalement dans le cas des conjonctivites infectieuses.

Traitement

L’éviction du risque est nécessaire. La nature du traitement médicamenteux varie selon l’étiologie ; il est principalement local à base de pommades et surtout de collyres.

IV. Eczéma

Définition de la maladie

Un eczéma se définit comme une inflammation superficielle de la peau accompagnée de prurit et caractérisée par une éruption polymorphe formée d’érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation.

L’eczéma de contact allergique est un eczéma consécutif à l’application sur la peau d’une substance exogène agissant comme un haptène. Celui-ci déclenche une réaction d’hypersensibilité faisant intervenir des cellules présentatrices d’antigènes, telles que les cellules de Langerhans et les lymphocytes T.

Diagnostic

Le diagnostic est avant tout clinique et doit tenir compte de plusieurs critères : la clinique, l’anamnèse et l’obtention de tests épicutanés (ou autres) positifs.

La clinique retrouve les différentes lésions citées dans la définition qui se succèdent généralement en 4 phases (phase d’érythème prurigineux, plus ou moins oedémateux ; phase de vésiculation ; phase de suintement ; phase de régression).

L’eczéma se traduit toujours, sur le plan anatomo-pathologique, par une «spongiose» (distension oedémateuse des espaces intercellulaires des kératinocytes) associée à l’«exoserose» (œdème du derme superficiel) et l’«exocytose» (migration dans l’épiderme de cellules inflammatoires d’origine sanguine).

Sur le plan clinique, l’eczéma de contact allergique peut se présenter sous différents aspects :

- l’eczéma aigu érythémato-papulo-vésiculeux accompagné de prurit,

- l’eczéma «sec» érythémato-squameux,

- l’eczéma lichenifié est en général un eczéma ancien, très prurigineux.

Selon la topographie, l’eczéma de contact prend des aspects différents :

- la peau de la face réagit précocement,

- l’eczéma des mains et des doigts est le plus fréquent (dos des mains et des doigts).

L’eczéma de contact allergique se développe sur les territoires cutanés en contact direct avec l’allergène. Lorsqu’il s’agit d’un premier contact avec l’agent responsable, il n’apparaît en général que cinq à sept jours après le début du contact, parfois beaucoup plus tardivement. Cette période plus ou moins longue correspond à la phase d’induction de la sensibilisation allergique. Ultérieurement, chaque contact avec l’allergène entraîne la réapparition beaucoup plus rapide des lésions, c’est-à-dire après 24 à 48 heures. Ce délai ou période de latence correspond à la phase de révélation d’une réaction immunologique retardée.

L’anamnèse doit être minutieuse (chronologie des faits, sièges des premières lésions, évolutivité). Elle doit rechercher des facteurs professionnels (gestes, produits, action éventuelle de l’arrêt de travail…), vestimentaires, cosmétiques, médicamenteux…, mais aussi le rôle possible des substances liées à l’activité non-professionnelle ou aux activités de loisirs (jardinage, bricolage, entretien…).

L’anamnèse, aussi précise que possible, ne peut fournir que des indices de présomption. Elle doit être confirmée ou infirmée par la réalisation de tests épicutanés.

Les tests épicutanés visent à reproduire «un eczéma en miniature» en appliquant la substance suspecte sur une zone limitée de la peau (habituellement le dos). Ils doivent être réalisés par des personnes ayant l’habitude d’interpréter les résultats afin de valider les critères de pertinence du test et d’imputabilité de la substance.

Le diagnostic différentiel se fait surtout avec la dermite d’irritation (voir tableau compratif). Il convient de signaler qu’un eczéma de contact allergique peut se greffer sur une autre dermatose préexistante.

Le diagnostic étiologique de l’eczéma lié aux solvants organiques liquides et l’acharnement à la recherche d’un hypothétique allergène ne paraît pas justifié dans bon nombre de cas. Il existe toutefois de rares cas d’allergies à des solvants de type dioxane, propyleneglycol, chlormethylbenzol. Quelques white-spirits pourraient contenir des traces de limonène ou d’a-pinene (ils sont déconseillés aux sujets allergiques à la terebenthine). Encore trop souvent une dermite d’irritation évoluée peut mimer un réel eczéma de contact allergique.

Evolution

Si l’agent causal est supprimé, l’eczéma disparaît, surtout si une thérapeutique appropriée est mise en place.

Si le contact avec l’allergène est maintenu, les récidives seront régulières avec possibilité d’extension de l’atteinte cutanée (atteinte de l’ensemble du corps) pouvant entraîner des tableaux plus graves.

Traitement

Le traitement comporte en priorité l’éviction des allergènes responsables. Toute autre thérapeutique est vouée à l’échec si une telle éviction ne peut se réaliser.

Le traitement local doit répondre aux règles générales du traitement des eczémas : compresses humides froides et pâte à l’eau à la phase aiguë, suintante ; préparations contenant un corticostéroïde aux phases subaiguë et chronique.

Il n’y a aucune désensibilisation envisageable dans les eczémas de contact allergiques professionnels.

Facteurs de risque

Les différents éléments repris dans l’apparition et l’évolution de la dermite irritative sont à prendre en compte comme facteur de risque de l’eczéma allergique.

Une peau irritée, agressée, sèche, ayant perdu ses fonctions «barrière» physiologiques évoluera plus facilement vers l’eczéma de contact en fonction de l’environnement.

V. Encéphalopathie

Définition de la maladie

Le terme d’encéphalopathie, étymologiquement maladie du cerveau, désigne des maladies de diverses origines, métaboliques, nutritionnelles, infectieuses ou toxiques qui se manifestent par des symptômes plus ou moins importants selon le degré d’évolution. Il s’agit, dans le cas de l’encéphalopathie toxique des solvants, souvent dénommée syndrome psycho-organique des solvants, d’une maladie d’apparition progressive, nécessitant une exposition prolongée de plusieurs années, marquée par des troubles cognitifs discrets, puis d'une détérioration intellectuelle patente et des troubles du comportement.

Les fonctions cognitives sont les fonctions de la connaissance et regroupent les fonctions réceptives (acquisition, traitement, classification et intégration de l’information reçue), la mémoire et l’apprentissage (stockage et rappel de l’information), le raisonnement ou la pensée (organisation et réorganisation mentale de l’information) et les fonctions expressives.

Diagnostic

Le diagnostic d’encéphalopathie nécessite une analyse séméiologique fine, qui met en évidence les symptômes, confirmés par des tests psychométriques à réaliser en milieu spécialisé. Les potentiels évoqués sensoriels et l’imagerie cérébrale par résonance magnétique sont également utiles au diagnostic positif et étiologique.

L’origine toxique de la maladie est établie par élimination des autres causes métaboliques ou infectieuses et du fait de la connaissance et de l’évaluation de l’exposition.

Evolution

Une encéphalopathie n’est pas régressive. L’évolution est plus ou moins lentement défavorable. Le tableau de maladie professionnelle prévoit l’absence d’aggravation après arrêt de l’exposition, au moins pendant 6 mois.

Traitement

C’est l’éviction du risque pour l’encéphalopathie des solvants.